Le 11 Février est la Journée Internationale des Femmes et des Filles de Science. En parallèle se tient le Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle, c’est donc l’occasion parfaite pour donner la parole à celles qui façonnent ces technologies.
Marianne Blin, ingénieure en développement embarqué chez Prométhée Earth Intelligence nous partage son parcours, sa vision du métier et son travail sur des technologies de pointe mêlant spatial et Intelligence Artificielle.
Peux-tu nous raconter ton parcours ? Qu’est-ce qui t’a amenée à te spécialiser dans le développement embarqué, et plus particulièrement dans le secteur spatial avec Prométhée Earth Intelligence ?
Dès l’instant où j’ai découvert les sciences, j’ai eu l’ambition un peu utopique de devenir astronaute. Je me suis donc naturellement dirigée vers des études d’ingénierie dans le domaine du spatial. Mes études m’ont permis d’assouvir ma curiosité et d’enrichir mes connaissances techniques, notamment en codage (Python, C/C++), en algorithmie, ou encore en IA.
Mon stage au sein de Prométhée Earth Intelligence, et plus largement les défis à relever dans le cadre des projets à venir, m’ont définitivement convaincue de me spécialiser dans le développement embarqué.
En tant que femme ingénieure dans un domaine encore majoritairement masculin, as-tu rencontré des défis spécifiques, et comment les as-tu surmontés ?
Le sexisme dans le domaine de l’ingénierie est une réalité encore trop présente, perpétrée plus ou moins consciemment depuis l’enfance. Il s’agit parfois de « petites » remarques, questions ou réflexions dégradantes, qui peuvent cependant nourrir un syndrome de l’imposteur difficile à faire taire. Pour compenser, j’ai souvent été amenée à essayer d’être la meilleure. Ça marche sur le court terme, mais il n’est ni normal ni juste de devoir faire plus d’effort qu’un homme pour être aussi crédible qu’un homme.
Le manque de représentation est un autre facteur qui m’a quelque fois fait douter de poursuivre dans une voie technique. Je trouve cependant que les entreprises s’améliorent sur le sujet de la diversité : la petite Marianne aurait adoré la nouvelle promotion d’astronautes ESA par exemple !
Les entreprises ont encore beaucoup à apprendre (vis-à-vis de l’ensemble des discriminations), mais en comparaison avec les générations précédentes, il y a déjà une volonté accrue d’améliorer les choses.
N.B. : le mansplaining (i.e. lorsqu’un homme explique quelque chose à une femme qui maitrise le sujet, sur un ton paternaliste/condescendant) est également un immense fléau dans les domaines scientifiques et techniques.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans l’ingénierie embarquée et les technologies spatiales ?
D’abord, s’émanciper des stéréotypes de genre (c’est très facile à dire). Une fois que c’est fait, éviter l’auto-censure (c’est à nouveau très facile à dire), et ne pas se laisser marcher sur les pieds.
Dans ton travail chez Prométhée Earth Intelligence, quelles sont les problématiques principales que tu rencontres en développement embarqué et comment les abordes-tu ?
Depuis que j’ai rejoint l’équipe traitement bord, je participe au développement d’une brique logicielle à partir de zéro. Je m’occupe aussi de la réalisation de tests de communication intersatellite en vue d’estimer les performances radio et de réactivité de la future constellation JAPETUS.
Ces développements sont complexes, mais très enrichissants sur tous les plans (humains, techniques).
L’IA prend de plus en plus de place dans les systèmes embarqués. Comment l’intègres-tu dans tes projets et quels sont les défis spécifiques à ce type d’environnement ?
Le Framework qu’on développe actuellement permet de donner des ressources (puissance de calcul, etc.) à des applications IA embarquées pour différents cas d’usage. Il y a peu, on a intégré avec succès une application IA de caractérisation d’un phénomène physico-chimique sur des images satellites !
Le principal défi lié à l’utilisation de l’IA à bord est la gestion des ressources à bord du satellite (plus limitées qu’au sol). Il est nécessaire (à mon plus grand malheur) de faire des compromis entre puissance de calcul et consommation.
Un autre défi est de savoir à quel moment il est pertinent d’utiliser l’IA : tous les problèmes ne se résolvent pas avec de l’IA ! Il faut avoir conscience de l’impact écologique de cet outil et l’utiliser avec intelligence.